Le 3 septembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un autre arrêt, également quantitativement assez court, tant elle a su répondre avec brio à une question assez intéressante.
Une passagère embarque à bord d’un vol intrapolonais. L’avion accuse un retard supérieur à trois heures. La société de transport aérien responsable du retard ne semble pas nier sa responsabilité dans le retard mais il existe un point d’achoppement inhérent aux modalités monétaires de l’indemnisation. La passagère a cédé sa créance à une société de recouvrement (Delfly), laquelle exige le paiement de l’indemnisation en zlotys polonais et non en euros, ce que refuse la compagnie aérienne.
Delfly tient à son argumentation au point de saisir une juridiction polonaise qui se pose certaines interrogations au point de saisir la Cour de justice de l’Union européenne afin de lui poser les questions préjudicielles suivantes :
1°) L’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 261/2004 doit-il être interprété en ce sens que cette disposition régit non seulement l’étendue de l’obligation de verser une indemnisation, mais aussi ses modalités d’exécution ?
2°) En cas de réponse affirmative à la première question, le passager ou son ayant droit peut-il valablement exiger le paiement du montant de 400 euros exprimé dans une autre monnaie, en particulier dans la monnaie nationale ayant cours légal au lieu de résidence du passager dont le vol a été annulé ou retardé ?
3°) En cas de réponse affirmative à la deuxième question, selon quels critères convient-il de déterminer la monnaie dans laquelle le passager ou son ayant droit peut réclamer le paiement, et quel taux de change doit être appliqué ?
4°) L’article 7, paragraphe 1, ou d’autres dispositions du (règlement n° 261/2004) s’opposent-ils à l’application des règles du droit national prévoyant que la demande formée par un passager ou son ayant droit sera rejetée au seul motif que celui-ci l’a exprimée de manière erronée dans la monnaie nationale ayant cours légal au lieu de résidence du passager, plutôt qu’en euros, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement ?
La Cour fait le choix de répondre conjointement à ces questions. Elle semble regretter le fait que, si le règlement n° 261/2004 est très exhaustif quant aux modes de paiement possibles de l’indemnisation, en revanche, il est muet sur la liste des monnaies en lesquelles le règlement peut s’effectuer.
Il est vrai que le règlement n° 261/2004 ne vise que les paiements en euros, ce qui peut s’avérer quelque peu lacunaire, eu égard au fait que les pays européens n’ont pas tous adopté la monnaie unique.
On pourrait donc en déduire, nonobstant les désagréments inhérents au taux de change, que seul le paiement en euros serait possible.
Mais telle n’est pas la position de la Cour de justice de l’Union européenne qui rappelle la priorité du règlement n° 261/2004, à savoir l’assurance d’un niveau élevé de protection des passagers. La juridiction s’adonne ainsi à une interprétation téléologique de ce texte, voulant impérativement que les passagers soient exemptés de tout tracas, y compris en ce qui concerne les modalités de règlement de l’indemnisation. La juridiction insiste sur le fait que les passagers doivent tous se trouver dans des situations comparables (selon le principe de l’égalité de traitement) et que certains d’entre eux ne devraient pas être lésés par le fait de ne pas utiliser la monnaie unique dans leur quotidien. Un passager polonais pourra donc exiger le paiement de son indemnisation en monnaie polonaise.
Voici un arrêt qui démontre encore le positionnement consumériste de la Cour de justice de l’Union européenne.