Crise du coronavirus : les compagnies aériennes peuvent-elles vous imposer l’attribution d’avoirs en lieu et place du remboursement ?
Vous êtes nombreux à nous interroger sur les pratiques de certaines compagnies aériennes (de prime abord, estimables mais financièrement exsangues) qui ont annulé vos vols et qui souhaitent vous imposer en lieu et place du remboursement, des avoirs sur un prochain trajet.
Nos réponses (orales) ne semblent pas rassurer les voyageurs inquiets et, une fois encore, plusieurs questions redondantes reviennent à nos oreilles.
1ère question : « Vous nous dites que la compagnie aérienne n’a pas le choix et qu’elle doit nous rembourser si on l’exige. Pourtant, les courriels qu’elles nous envoient semblent indiquer le contraire. »
Effectivement, nous avons pu lire un certain nombre de courriels sembler forcer la main aux passagers aériens en leur proposant un avoir éventuellement remboursable au bout d’un an s’il n’est pas utilisé.
Cette solution hybride entre remboursement et avoir est supposé calmer la colère de certains passagers en leur assurant un repaiement à moyen terme.
Mais le fait que cette proposition puisse être jugée comme étant intermédiaire ne change pas la donne : vous avez le droit d’exiger le remboursement du billet, lequel doit impérativement intervenir dans un délai de sept jours.
La compagnie, qui chercherait à contourner cette règle imprescriptible, s’exposerait non seulement à une condamnation judiciaire mais surtout administrative : les sociétés Air Algérie et Aeroflot en ont fait les frais, ayant dû s’enquérir d’amendes imposantes qui risquent de peser lourdement en ces temps de vaches maigres pour les compagnies aériennes…
Vous pouvez donc fermement exiger le remboursement sec de votre billet infructueux, annulé par la compagnie aérienne.
2ème question : « Je n’ai pas de problème de trésorerie et j’hésite donc entre accepter l’avoir et exiger le remboursement. Avez-vous des conseils particuliers à me donner en la matière ? »
Oui, nous vous conseillons, autant que faire se peut, de solliciter immédiatement le remboursement de votre trajet infructueux.
L’avoir remboursable à terme a vocation à rassurer les passagers aériens mais cette assurance demeure limitée au vu du contexte.
Le secteur du tourisme sera particulièrement touché par la crise économique et il est probable que de nombreuses compagnies aériennes, même emblématiques, seront emportées par le tourbillon. L’année 2019 nous en a d’ailleurs donné quelques tristes exemples : personne ne s’attendait à ce que des sociétés aussi solides qu’Aigle Azur, XL Airways et, surtout, Thomas Cook, ne plient bagage. C’est pourtant ce qu’elles ont fait, laissant sur le bas-côté des milliers de passagers dénués de tout recours effectif sérieux.
D’autres compagnies supposées solides étaient menacées, même avant cette crise économico-sanitaire : Norwegian et Alitalia notamment.
Il est donc préférable, même si vous pensez que ce risque est limité, de faire application maximale du principe de précaution et d'exiger stratégiquement le remboursement immédiat des billets infructueux, indépendamment de l'état de votre trésorerie personnelle.
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