La Cour de justice de l’Union européenne vient de se prononcer de nouveau sur la question de l’heure réelle de l’arrivée d’un vol.
Concernant un aéronef affrété par la société AUSTRIAN AIRLINES AG, se posait la question de savoir si l’avion avait atterri à :
- 18h14, heure du « touch down » (atterrissage), moment signalé par un employé de l’aéroport ;
- 18h17, heure d’arrivée réelle où l’avion atteint sa position finale ;
- 18h18, heure de l’enclenchement des freins de stationnement de l’avion ;
- 18h22, moment où l’équipage indique que l’avion atteint sa position de stationnement.
Ces écarts – en apparence très faibles – sont susceptibles d’avoir un impact fondamental. Il convient effectivement de rappeler que les retards de trois heures et les annulations de vols causent des désagréments équivalents aux passagers concernés et ouvrent tous deux droit à indemnisation[1]. Or, si le tribunal considère que l’avion a atterri à 18h14, les passagers ne pourront pas prétendre à l’indemnisation forfaitaire. Huit minutes plus tard, ils deviennent, en revanche, éligibles à cette somme d’argent.
FP Passenger Service, société subrogée dans les droits du consommateur, a évidemment tenté de faire valoir une arrivée officielle aussi tardive que possible pour pouvoir jouir de l’indemnisation.
Selon elle, ladite arrivée correspondrait à l’ouverture des portes. La compagnie aérienne en cause soutenait le contraire, rejetant ce critère tiré de l’ouverture des portes.
La juridiction autrichienne considérait que le débat était sérieux, méritant un sursis à statuer afin de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante :
« Les articles 5 (à) 7 du règlement (n° 261/2004) doivent-ils être interprétés en ce sens que, eu égard à l’arrêt du 4 septembre 2014, Germanwings (C-452/13, EU:C:2014:2141), selon lequel le moment de l’ouverture des portes est considéré comme déterminant, aux fins de la détermination du retard, il convient de tenir compte de la différence entre l’heure réelle de l’ouverture des portes et l’heure d’arrivée prévue ou bien de la différence entre l’heure réelle de l’ouverture des portes et l’heure présumée de l’ouverture des portes si le vol était arrivé à l’heure prévue ? »
La Cour estime – et c’est logique – que la question qui lui est posée ne laisse place à aucun doute raisonnable : en effet, elle avait déjà rendu une décision en ce même sens, le 4 septembre 2014, optant pour la solution de l’« heure d’ouverture de la porte »[2]. Cet arrêt est d’ailleurs rappelé dans la présente ordonnance du 1er octobre 2020.
La Cour de justice de l’Union européenne poursuit donc, sans surprise, sa jurisprudence consumériste.
[1] Loïc GRARD, Retards de vols de plus de trois heures : l’interprétation dynamique du règlement (CE) n° 261/2004 est maintenue, Revue de droit des transports n° 4, octobre 2012, comm. 55 ; Cour de cassation, 1re chambre civile, 30 novembre 2016, Numéro de pourvoi : 15-21.950 ; Cour d’appel de Paris, Pôle 4, chambre 9, 29 novembre 2018, Répertoire Général : 15/19287, Répertoire Général : 15/24187 ; Jeremy HEYMANN, Un avion foudroyé et des passagers retardés - . – De la notion de « circonstances extraordinaires » au sens du règlement (CE) n° 261/2004, La Semaine Juridique Edition Générale n° 47, 19 novembre 2018, 1206 ; Cour de cassation, 1re chambre civile, 19 décembre 2018, Numéro de pourvoi : 17-26.663, Numéro d’arrêt : 1233 ; Jeremy HEYMANN, Protection des passagers aériens en cas d’annulation ou de retard important d’un vol - . – Des avancées significatives en matière de prescription et de charge probatoire !, La Semaine Juridique Edition Générale n° 49, 2 décembre 2019, 1273 ; Vincent CORREIA, Extension jurisprudentielle du régime d’indemnisation des retards dus aux annulations de vols, Revue de droit des transports n° 1, janvier 2010, comm. 18 ; Arrêts P de la Cour de cassation du 28 novembre au 4 décembre 2016, La Semaine Juridique Edition Générale n° 52, 26 décembre 2016, 1411 ; Cour de justice de l’Union européenne, 8e chambre, 12 mars 2020, Numéro d’affaire : C-832/18 ; Cour de justice de l’Union européenne, Grande chambre, 26 février 2013, Numéro d’affaire : C-11/11, Air France SA c/ Folkerts ; Christophe PAULIN, Vol avec correspondance : il n’y a pas de doute raisonnable sur la destination finale, La Semaine Juridique Edition Générale n° 46, 11 novembre 2019, 1162 ; Clarisse DEGERT-RIBEIRO, L’importance du lieu de départ d’un vol avec correspondance pour les compagnies aériennes non communautaires, Énergie – Environnement – Infrastructures n° 3, mars 2017, comm. 18 18 ; Christophe LACHIÈZE, L’obligation de prise en charge du transporteur aérien ne cède pas devant la colère du volcan, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 21, 23 mai 2013, 1300 ; Droit économique, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 1, 5 janvier 2017, 1012 ; Christophe PAULIN, Même en transport aérien, il faut se méfier de l’eau qui dort, La Semaine Juridique Edition Générale n° 19-20, 6 mai 2013, 530 ; Isabelle BON-GARCIN, Les effets de l’éruption du volcan de l’Eyjafjallajökull sur la responsabilité des agences de voyages, Revue de droit des transports n° 2, avril 2012, comm. 33 ; Cédric COULON, Responsabilité des transporteurs aériens : quand l’extraordinaire a tout d’ordinaire, Responsabilité civile et assurances n° 9, septembre 2017, alerte 21 ; Laurent BLOCH, Retard à l’arrivée, Responsabilité civile et assurances n° 2, février 2017, comm. 53 ; Loïc GRARD, Droit européen des transports - . – 15 février 2012/31 décembre 2012, Revue de droit des transports n° 1, janvier 2013, chron. 1 ; Sabine BERNHEIM-DESVAUX, Indemnisation du retard subi lors d’un vol avec escale, Contrats Concurrence Consommation n° 2, février 2017, comm. 45 ; Jeremy HEYMANN, Retard important des vols avec correspondance au départ d’un aéroport situé dans un pays tiers : le droit à indemnisation des passagers entériné, La Semaine Juridique Edition Générale n° 4, 23 janvier 2017, 84 ; Cour d’appel de Basse-Terre, 1re chambre civile, 8 juillet 2019, n° 17/00588 ; Tribunal d’instance de Paris, 7 décembre 2018, Répertoire Général : 11-17-08-0719 ; Laurent SIGUOIRT, L’incidence du caractère intracommunautaire dans l’indemnisation des passagers d’un vol Paris-La Réunion, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 6-07, 9 février 2017, 1080 ; Indemnisation des passagers aériens : nouvelle précision sur les conditions d’exonération du transporteur, Responsabilité civile et assurances n° 6, juin 2019, alerte 13
[2] Vincent CORREIA, Notion d’« heure d’arrivée » pour les vols retardés, la Cour de justice à la recherche du temps perdu, Revue de droit des transports n° 4, octobre 2014, comm. 64 ; Carole AUBERT DE VINCELLES, Chronique de droit européen des contrats, Contrats Concurrence Consommation n° 4, avril 2015, chron. 2 ; Ronny KTORZA, Oui, le heurt avec un oiseau constitue une circonstance extraordinaire. Retour sur une évolution jurisprudentielle inattendue, Énergie – Environnement – Infrastructures n° 8-9, août 2017, comm. 49 49